Par Jacques Ferber

J’ai encore fait l’expérience tout cet été de cette “fluidité du dauphin” qui rend les choses si faciles lorsqu’on opère à partir d’elle, et surtout qui fait en sorte que tout ce qui se passe devienne magique, comme si la grâce était sur nous à chaque instant. Alors, on vit le monde comme dans la chanson de Louis Armstrong “it’s a beautiful world”: le monde apparaît dans sa beauté, l’instant devient dense et chargé de sens, tout donne l’impression d’être parfait, que l’on ne pourrait rien vivre de mieux que ça… On éprouve alors un grand sentiment de joie, de paix, de connexion avec ce qui nous entoure, de reliance avec les autres et la Vie (Pour ceux qui connaissent un peu l’approche intégrale, cette fluidité du dauphin est caractéristique du stade Jaune dans la terminologie de la Spirale Dynamique ).

Dans cet état de fluidité, on rencontre des personnes merveilleuses qui nous donnent exactement les informations et enseignements dont on avait besoin ou dont on va avoir besoin l’instant suivant; on va dans des lieux incroyables que l’on n’aurait jamais eu l’idée d’aller voir à partir d’une planification, et surtout on a l’impression d’être exactement à l’endroit idéal, sans tension, sans contrainte, dans le bonheur de vivre l’instant présent.

Cela est particulièrement parlant dans les voyages. Il y a deux façons de voyager: soit on prend un tour operator qui nous fait visiter tous les lieux “importants” d’un pays, soit on part au petit bonheur en se laissant inspirer par ce qui vient. Dans le premier cas, on aura une vision “normalisée” du pays, celle que tous les guides touristiques veulent nous en donner. On reviendra avec des photos qui seront des superpositions des cartes postales que l’on peut acheter sur place, et l’on pourra cocher le pays en disant “je l’ai visité”. Pourquoi pas! Cela peut être une première approche, une manière d’avoir une vue globale et d’être sûr de connaître les endroits à connaître. Mais on risque d’être passé à côté de soi, de se sentir frustré de ne pas avoir eu assez de temps dans tel monastère ou tel musée, ou au contraire d’avoir eu trop de temps pour une autre étape qui nous a moins intéressé et dans laquelle on s’est ennuyé. Et surtout, nous n’avons pas réellement rencontré les lieux et les habitants, nous n’avons pas été à notre rythme, mais à celui d’un plan fixé à l’avance qui nous a placé dans des contraintes. De ce fait, ces formes de voyages sont souvent le lieu de frustrations, de conflits, de devoirs se presser, d’attentes et d’ennuis: tout ce qu’on désire en fait éviter et qui constitue l’inverse de la Joie.

Au contraire, si l’on se donne la possibilité d’aller et venir à son rythme, de laisser faire les occasions, d’entrer en relation avec les gens du pays ou les autres voyageurs, de suivre son intuition, on revient avec des souvenirs qui sont bien loin des cartes postales du pays. C’est cette forme de voyage que privilégient les routards qui se laissent aller au gré du vent en écoutant leur enthousiasme. Mais il n’est pas nécessaire d’être routard pour vivre cette expérience qui peut s’effectuer à tout moment et pour toute chose dans l’existence. Personnellement je l’applique de plus en plus à tous les éléments de ma vie, et notamment lors de mes animations d’ateliers et de stages. J’arrive avec une trame la plus légère possible, et je laisse la possibilité de tout remettre en cause à tout moment, en étant porté par l’énergie du groupe, par ce qui vient à ce moment là, par ce qui entre en résonance avec le besoin collectif. Je n’ai en fait plus l’impression d’animer un atelier, mais de participer à une oeuvre collective dont les consignes passent au travers de moi. Ce n’est pas moi mais la Vie qui dirige l’énergie du groupe. On peut alors passer d’une grande vigueur à un calme total très rapidement, puisque c’est exactement ce mouvement là qui s’exprime alors dans le groupe. Et pour chacun, moi en premier, c’est vécu comme des instants magiques, comme une grâce qui nous touche. Nous constituons alors un égrégore, c’est à dire un esprit de groupe qui transcende et inclus chacun des esprits individuels. Et cela n’est possible que parce que, bien qu’il y ait un cadre, une écoute et une présence totale, je laisse advenir ce qui vient, dans la fluidité de chaque instant, en mettant des structures mais sans rigidité, ces structures évoluant naturellement avec le développement du groupe.

Bien que je prenne ici des exemples de voyages et d’animation de groupe, cette magie opère dans tous les domaines, lorsque l’inspiration et l’intuition marchent main dans la main avec la raison et le bon sens, et surtout lorsqu’on est, individuellement et collectivement, dans l’état d’esprit de laisser advenir, de laisser les opportunités se faire et de vivre la chance de l’instant. On résume souvent cette attitude en disant qu’il s’agit de “lâcher prise”, ou “d’aller avec le flux de la vie” (going with the flow), mais ces expressions ne parlent généralement pas à quelqu’un qui n’en a pas déjà fait l’expérience. Elle est perçue initialement comme non logique, un peu folle, voire irrationnelle, alors qu’il s’agit en fait d’une rationalité beaucoup plus subtile, une rationalité de deuxième ordre, que j’aimerais expliquer et surtout faire toucher du doigt ici. Initialement, je pensais écrire juste quelque lignes sur le sujet, mais de fil en aiguille, j’en suis venu à écrire ce texte qui sera d’ailleurs suivi par d’autres articles car je le ressens comme un sujet essentiel. Il ne s’agit pas d’un article “spirituel”, de quelque chose qui doit résonner en nous, mais au contraire d’une analyse assez technique et concrète consistant à démystifier la magie, afin d’en montrer les ressorts et d’expliquer comment il est finalement possible pour tout le monde d’entrer dans cette attitude fluide et d’en tirer les bénéfices, même si, a priori, cela semble incroyable. Il faut le prendre comme “comment appliquer la fluidité du dauphin et faire l’amour à la Vie” en 10 leçons…

Cette fluidité delphinienne repose sur quelques conditions essentielles:

  1. Agir à partir de son intelligence intuitive,
  2. Se laisser guider par son enthousiasme et sa “mission de vie” et non ses peurs,
  3. Reconnaitre les signes (synchronicités) comme des inspirations, des marques du divin (en fait des projections de notre propre psyché sur l’extérieur)
  4. Faire confiance à la vie et voir “la bouteille à moitié pleine”,
  5. Accepter la réalité de l’instant en continuant à agir, mais sans forcer,
  6. Ne pas juger les autres et soi-même,
  7. Savoir évaluer quand on est connecté à soi et au cosmos ou quand ce sont nos ombres qui ont pris les rênes,
  8. Jouir de ces moments magiques, profiter de chaque instant, ne pas culpabiliser de ce plaisir,

Agir à partir de son intelligence intuitive

Il s’agit peut être de l’étape essentielle, de ce que l’on doit le plus “travailler” au début (paradoxal puisqu’il s’agit finalement d’un non-travail, mais bon…) et qui parait souvent le plus difficile pour quelqu’un d’uniquement dirigé par le mental et la raison.

On oppose l’intuition à la raison, mais en fait il s’agit de deux aspects de notre approche cognitive vis à vis de notre environnement. La raison, au sens premier, est liée à notre capacité logique à tenir des raisonnements et à déduire des conséquences vraies à partir de prémisses considérés comme vraies. C’est une forme de pensée séquentielle (“je sais que si P alors Q, et puisque P est vrai alors Q est donc vrai aussi”). Cette forme de pensée permet de planifier des actions à partir de buts que l’on s’est donnés. Il existe de nombreuses techniques de planification, mais globalement elles reviennent à trouver la séquence d’actions qu’il s’agit d’accomplir pour parvenir à satisfaire son objectif, en déterminant les sous-buts à atteindre. La puissance de la planification vient de ce qu’elle peut être faite à l’avance, car on n’a pas besoin, pour planifier, d’être présent à la situation elle-même. C’est même d’ailleurs une évolution considérable par rapport au mode pulsionnel de l’animal. Pour tous les animaux (cela commence à changer avec les grands primates), toute action s’effectue dans l’instant à partir de patterns d’action le plus souvent instinctuels. L’animal, lorsqu’il a faim cherche de la nourriture. Lorsqu’il est repus, il s’arrête. Même les animaux qui font des provisions pour l’hiver (je pense notamment à l’écureuil) agit à partir de programmes instinctifs. Il ne se dit pas “hum, j’ai besoin de tant de glands, de graines et de noix pour mon hiver.. Je vais donc travailler en juillet jusqu’à ce que j’obtienne ma quantité et si c’est suffisant je vais me reposer en aout”. Non. Il agit pendant tout l’été à engranger ses provisions dans des cachettes dont il oubliera d’ailleurs souvent l’existence, en appliquant son programme de stockage de nourriture. Dans la chaîne évolutive, ce sont les grands primates qui sont les premiers à faire des plans, mais c’est surtout le développement de la cognition humaine qui a permis de planifier des actions, c’est à dire de produire une séquence d’action “dans la tête” (ou sur papier) avant même d’agir.

On considère généralement que cette forme de pensée trouve sa localisation dans l’hémisphère gauche du cerveau, le “cerveau logique” qui analyse, dissèque, classifie, planifie, élabore, en utilisant le langage intérieur de la pensée comme principales ressources.

L’intérêt de la raison est de pouvoir disposer d’une certaine certitude quant aux résultats d’un raisonnement. Puisque le raisonnement est séquentiel, on peut en tracer les étapes, voir le chemin que l’on a fait pour en arriver là, en discuter avec d’autres, et donc élaborer des techniques pour arriver à la meilleure conclusion possible. Et tout un arsenal de techniques, notamment dans le domaine de la gestion d’entreprises, ont été développées pour traiter le plus rationnellement possible des informations et en déduire le meilleur plan. Sauf qu’il y a un hic avec la planification: elle ne peut travailler efficacement que dans un univers certain en disposant de toutes les informations, et en considérant que le monde ne va pas changer entre le moment de la planification et le moment de l’exécution du plan. Or quand on voyage, quand on anime, quand on développe un projet d’entreprise, on ne dispose pas de toutes les informations (ou même si on en dispose, il y en a trop et on n’a pas le temps de faire) et le monde change énormément (les informations du guide touristique ne sont plus à jour, l’état d’un groupe change considérablement, le monde économique est pour le moins fluctuant). Donc la planification “parfaite” n’est pas possible et dans un monde complexe, les phénomènes chaotiques, comme le célèbre “effet papillon” (de petite variations de conditions initiales peuvent avoir un effet gigantesque au bout du compte), ont pour conséquence de rendre impossible toute planification à plus ou moins long terme. Il suffit de voir la qualité des prévisions météorologiques à plus de quelques jours pour voir la difficulté qu’il y a de prévoir ce qui va arriver dans un environnement changeant.

C’est ce qu’on voit dans le monde économique, où les dirigeants (économistes, grands patrons, gouvernants, etc.) ont l’air d’être totalement dépassé par ce qui se passe et ils ne savent plus agir que comme des pompiers, là où il faudrait au contraire une autre forme de guidance. En d’autres termes, la planification et la raison c’est bien, mais comme le signale Sri Aurobindo dans ses aphorismes sur “Le But”, c’est ce qui constitue maintenant l’entrave à l’évolution du point de vue individuel et collectif. Il s’agit maintenant de dépasser cette raison logique pour aboutir à une raison d’ordre supérieur, fondée bien entendu sur la raison, mais aussi et surtout sur l’intuition, une technique d’évaluation et de prise de décision extrêmement rapide, même si elle fonctionne de manière inconsciente.

Comme le disent les dictionnaires, l’intuition est un mode de connaissance immédiat ne faisant pas appel à la raison. Elle apparait comme un savoir de l’instant présent, sans que l’on sache pourquoi ce savoir est juste. Pour ma part, je vois l’intuition comme une forme de perception subtile, qui permet de savoir comme si l’on voyait, entendait ou sentait quelque chose. A la différence de la raison et de la planification, l’intuition agit d’une part dans l’instant présent (comme une perception d’ailleurs) dans la situation telle qu’elle se présente, et d’autre part, elle s’exprime souvent sous la forme de sensations corporelles, de mots qui viennent “tout seuls”, de visions, comme si c’était le corps entier qui percevait la situation. Dans les milieux new age on dit que l’on “sent l’énergie” du lieu, de la situation, des personnes, mais c’est juste une manière de traduire en mots cette impression globale qui surgit de manière intuitive.

Cette forme de perception, souvent considérée d’ailleurs comme un sixième sens, ne ressort pas d’un caractère magique ou bizarre, bien que la raison ait du mal à l’appréhender, mais d’une intégration d’expériences intérieures, d’une sorte de savoir “compilé”, qui nous permet d’évaluer une situation, une relation, un discours, de manière extrêmement rapide et efficace mais inconsciente du point de vue cognitif, à la manière dont nous captons le sens d’un texte, sans avoir conscience de la manière dont le cerveau traite les signes écrits pour les transformer en signification. On parle ainsi parfois d’intelligence intuitive pour bien exprimer le fait qu’il s’agit d’un mode normal d’accès à une connaissance, d’une faculté d’adaptation très courante, mais que des siècles de focalisation sur l’intelligence rationnelle a mis de côté. N’oublions pas que certains se glosent encore de l’intuition féminine, avec un certain mépris, et le développement de cette intelligence intuitive dans l’entreprise est souvent encore très mal vue, alors qu’elle permet de prendre des décisions de manière extrêmement rapides et efficace.

Souvent, pour ceux qui ne disposent pas de cette intuition (ou plus exactement qui n’ont pas pris le temps d’écouter leur intuition), cette capacité est considérée comme une sorte de pouvoir magique, alors qu’il s’agit en fait d’une faculté très naturelle qui apparait avec le temps et l’expérience. Par exemple, quand j’enseignais les langages de programmation à l’université, j’avais des étudiants assez débutants qui n’arrivaient pas à trouver pourquoi leurs programmes ne marchait pas. Et cela pouvait les bloquer pendant des heures. J’arrivais derrière eux et en une seconde, en regardant leur code, je trouvais parfois la solution, car elle me sautait aux yeux: je la voyais. Ils me regardaient comme un grand sorcier, mais c’était simplement que j’avais tellement programmé, tellement passé d’heure à écrire et débugger du code, que j’étais devenu un expert dans ces langages de programmation. Tout se passait pour moi “comme si” il y avait un panneau marqué “bug” devant la ligne qui posait problème, comme si cela m’arrivait tout cru, alors que cela ne résultait que d’une expérience technique. Et tous les experts dans un domaine ont des expériences semblables, car il en est ainsi de toutes les expertises: l’impression que les solutions sont trouvées automatiquement, immédiatement, sans raisonnement, comme une évidence. C’est comme cela que le plombier trouve la fuite, que l’architecte résout les problèmes de terrain et qu’un guide de montagne accompagne un groupe. L’expérience “compilée” se transforme en vision. L’expert voit là où le néophyte ne voit pas, ce qui lui donne une grande aura. Ma mère, qui était devenue professeur de yoga, me disait que lorsque quelqu’un s’allongeait elle savait exactement ce que cette personne avait besoin de travailler. Elle la voyait. A l’époque, j’avais 17-18 ans, cela me paraissait de la magie. Comment pouvait elle voir cela? De quelle faculté extraordinaire disposait-elle? Aujourd’hui, cela me paraît évident. Je vois les personnes, dans leurs aspects psycho-énergétique, comme si je lisais à livre ouvert en eux. Je ne connais pas leur vie, mais je vois “qui” ils sont, leur lumière, leurs ombres, et surtout leur rapport énergétique à l’existence. Cela me saute aux yeux, sans effort. C’est juste le résultat d’un ensemble d’expérience et d’intérêt pour les autres, doublé d’un travail personnel. Et cette compétence est partagée par pratiquement tous les psychothérapeutes qui voient les personnes dans ce qu’ils sont. Ce n’est donc pas magique, juste le résultat d’une expertise qui s’exprime alors comme une intuition, ou plus exactement comme une évidence perceptive. La particularité de cette “vision”, c’est qu’elle ne fonctionne pas à partir du cerveau gauche, mais à partir du cerveau droit dont les processus, extrêmement rapide, sont plus inconscients. Cela signifie qu’un expert voit ce qu’il faut faire, mais il ne peut pas nécessairement dire pourquoi, car cette faculté nécessiterait un type de raisonnement logique supplémentaire, comme celui de Sherlock Holmes qui était capable de décrire l’ensemble des indices l’ayant amené à une conclusion. Mais pour la plupart des experts qui n’ont pas cette faculté supplémentaire, voir s’exprime comme une simple perception: pour voir du rouge il n’est pas nécessaire de savoir ce qu’est le rouge, mais d’en avoir fait l’expérience. Il n’y a donc rien de magique là-dedans! D’ailleurs les neuroscientifiques ne s’y trompent pas, car ils savent qu’il est possible de créer des programmes à base de réseaux de neurones sachant reconnaître des visages, des formes, des situations, sans que ces programmes soient capable de dire ce qui fait qu’ils ont reconnu telle ou telle personne. Ils disposent d’une expertise mais ne sont pas capable de justifier leurs conclusion.

L’autre caractéristique de cette intelligence intuitive c’est qu’elle s’exprime souvent sous forme corporelle, comme si c’était le corps qui nous disait ce qu’il fallait faire. En fait, c’est la traduction de conclusions traitées par le cerveau et que l’on ressent directement sous forme corporelle. De plus, nous avons des neurones miroirs qui nous mettent en résonance avec les autres personnes. Chacun des mouvements, des attitudes, des propos de l’autre sont ressentis à l’intérieur comme si nous faisions personnellement ces gestes et exprimions ces propos. Plus on se branche sur une personne, plus on l’écoute ou la perçoit plus on ressent intérieurement où elle en est, ce qu’elle exprime, si elle dit la vérité ou non. C’est particulièrement criant lorsqu’on écoute certains politiciens ou responsables qui ne pensent pas ce qu’ils disent. Parfois ils mentent effrontément, et à la forme des sons et au ton de la voix, il est possible de l’entendre très clairement, un peu comme le fait le personnage principal de la série “lie to me” (série tv tirée des travaux du scientifique Paul Ekman), capable de lire les micro-expressions sur les visages des personnes et ainsi de déterminer la véracité de leurs dires.

Il en va de même d’une situation: on la sent saine ou “pourrie”. Quand il va y avoir du grabuge, on peut le “sentir” en avance souvent sous la forme d’une crispation au ventre… C’est déjà dans l’air… Inversement on peut sentir une sorte de joie au coeur en arrivant dans un lieu, comme un pressentiment qu’il s’agit d’un endroit favorable ou porteur d’enseignements.

L’intuition peut aussi s’exprimer sous la forme d’un mot ou d’une phrase qui arrive spontanément à la conscience, comme si elle était prononcée par quelqu’un vivant à l’intérieur de nous. C’est ce que les spirituels appellent “le guide intérieur” qui nous donnent les conseils dont nous avons besoin. Attention: c’est toujours le premier mot ou la première phrase qui surgit qui procède de l’intuition. Ensuite, ce sont les voix de la raison, ou même celle des juges intérieurs qui prennent le dessus et qui vont souvent dans le sens contraire de l’intuition. Donc, si l’on veut développer son intelligence intuitive, il est important de reconnaître les premiers signes, les premiers mots, les premiers ressentis qui nous viennent et qui sont ceux de l’intuition.

Traverser ses peurs

Lorsqu’on regarde plus précisément cette intuition, on constate qu’elle n’est pas opposée à la raison, car la raison justifie souvent, a posteriori, les choix intuitifs, mais qu’elle s’oppose aux peurs, ou en tout cas qu’elle est en grande partie inhibée par le stress et les peurs. Dans ce cas, les peurs agissent comme des voix puissantes pour nous couper de notre intelligence intuitive.

Les peurs constituent l’un des freins les plus puissants à notre développement psycho-spirituel. Bien que la plupart des peurs ne correspondent à aucune réalité, ce dont on se rend compte quand on a traversé ses peurs, elles sont vécues, pour ceux qui ont ces peurs comme des choses terribles à éviter. Les phobies en sont l’exemple le plus criant: les peurs des araignées, des microbes, des papillons de nuit, du noir, des orages, etc. sont vécues comme des terreurs par certains et les empêchent de voir l’illusion de leurs peurs. Il en est de même de tout un ensemble d’autres peurs, souvent causées par des traumatisme de l’enfance ou par le milieu familial: les peurs de l’abandon, de l’inconnu, d’être trahi, d’être ignoré ou rejeté, d’être malade, d’être pauvre, etc. déterminent l’essentiel de nos comportements que nous justifions d’une manière ou d’une autre par des arguments auxquels personne n’est sensible, sauf celui qui les prononce. Les peurs ont un double effet: d’une part, elles nous coupent de notre intuition, et d’autre part elle nous font passer dans le mental qui agit alors comme un système de résolution de problème cherchant à éviter les situations menant à la peur. Cela signifie que l’on passe alors dans des recherches de sécurité et de maitrise de l’environnement qui créent des rigidités et nous empêchent d’entrer dans cette fluidité du dauphin. Vous pourrez remarquer que l’une des caractéristiques partagées par tous les maîtres spirituels c’est l’absence de peurs. Non pas qu’ils soient des êtres extraordinaires, mais simplement qu’ils ont traversé leurs peurs.

Certaines situations stressantes peuvent développer notre capacité intuitives en court-circuitant le mécanisme de prise de décision rationnelle. Il existe tout un ensemble de récits où des personnes, en situation difficiles, ont pris la bonne décision comme si quelqu’un à l’intérieur d’eux prenaient les commandes et faisait ralentir le temps. Mais plus souvent, quand on est envahi par la peur et le stress, ce sont plutôt des comportements de panique ou d’angoisse qui prennent le dessus, nous coupant alors de notre être profond et de notre intelligence intuitive. Dans ce cas, le mental prend le relais et essaye de résoudre la situation en prenant ce dont on a peur comme des réalités, tournant à toute vitesse pour trouver une solution qui nous éloigne du danger auquel nos peurs nous font croire. Un peu comme si nous devions traverser un grand jardin entouré de très hauts murs et que l’on entende l’aboiement d’un très gros chien menaçant invisible que l’on ne peut voir avant d’entrer dans le jardin. La porte est là.. Notre intuition nous dit d’y aller, mais notre peur nous dit qu’il ne faut pas passer. Dans ce cas, qui écoutons nous? Notre peur bien entendu. Or, en fait, ce que l’on prend pour un gros chien menaçant est en fait un petit toutou très gentil. Nos peurs tendent à transformer la réalité, à ne pas nous faire voir le monde tel qu’il est, mais tel que nous le craignons. Les peurs restreignent notre monde, en créant des contraintes là où elles ne sont pas. Dans de petits villages paisibles, j’ai vu souvent des parents avoir peur que leurs enfants soient enlevés à la sortie de l’école. De ce fait, ils mettent les enfants dans des cages de cotons, leur empêchant de faire leur propre expérience, les coupant de leurs propres ressentis transmettant leurs peurs à leurs enfants.

Pour ceux qui ont un comportement fondé sur les peurs (je dirais facilement plus de 90% de la population :- ) ), la traversée des peurs, sous la forme d’épreuves, constitue le moyen le plus rapide et le plus efficace pour avancer dans cette fluidité du dauphin, en développant son intelligence intuitive. Ayant eu pas mal de peurs limitantes, j’ai pu apprécier, lors de la traversée de mes propres peurs qu’elles n’avaient pas de réalité. Mieux, elles cachent souvent des trésors que nos peurs cachent. La peur d’être SDF peut masquer le désir de liberté et d’être nomade, celle de l’abandon peut cache le désir d’être seul, celle de l’abus être le paravent d’une grande liberté sexuelle, etc. Bien entendu, tout cela ne peut être vu avant d’avoir traverser ses peurs: c’est un trésor qui ne se révèle que lorsqu’on a traversé le jardin et qu’on s’est rendu compte que le molosse était un gentil toutou…

Celui ou celle qui veut vivre la fluidité du dauphin, doit donc autant apprendre à écouter ses intuitions qu’à dépasser ses peurs qui empêchent d’avancer dans la voie de sa propre individuation, de sa propre réalisation intérieure (qui est aussi une réalisation spirituelle). Et c’est cette reconnaissance de qui nous sommes vraiment, au delà des peurs, des projections et des croyances, qui soigne les souffrances de l’être et apporte paix et joie.

La suite dans de prochains articles…