Approche intégralePar Jacques Ferber.

Cet article constitue une introduction à la pensée intégrale et plus particulièrement au modèle AQAL de Ken Wilber. Ce premier article de la série, présente les quadrants, un système permettant d’appréhender le monde à partir d’un ensemble de perspectives.

Depuis quelques temps, je travaille sur une présentation à la fois claire et pratique de l’approche intégrale. Je l’enseigne à l’université de Montpellier II, dans un cours qui s’est appelé d’abord Cognition individuelle et Collective et puis ensuite Sociétés Virtuelles. Je l’utilise aussi comme un canevas conceptuel dans mes recherches sur les sociétés artificielles (les systèmes multi-agents) et l’intelligence collective. Je vais l’enseigner aussi en Mai 2014 dans le cadre d’une formation à l’approche intégrale et à la Spirale Dynamique en Belgique. Il me semblait intéressant de poser ici les aspects conceptuels, afin de pouvoir plus travailler la pratique dans cette formation.

L’approche intégrale consiste à présenter une carte de l’ensemble du monde, c’est à dire une manière d’organiser tout ce que l’on sait du monde, et toutes les approches, scientifique, philosophiques, spirituelles, pratiques, etc..  qui ont pu être avancées depuis que le monde est monde et ce dans tous les domaines de la vie. Il s’agit donc d’une entreprise considérable et dont le résultat est parfois considéré comme complexe, alors qu’en fait, la pensée intégrale tend à simplifier notre vision d’un monde complexe, en étant sûr de ne pas trop le réduire par une pensée simpliste. Elle tend à nous amener à une vision « simplexe » du monde, c’est-à-dire une simplicité globale dans un système complexe.

Pour prendre une image : si l’on se trouve en randonnée dans une région inconnue, l’ensemble des paysages, des montagnes et des bois peut donner l’impression que l’on ne va pas s’y retrouver, que c’est compliqué de trouver son chemin. Mais avec une carte et une boussole il est possible de savoir où l’on est, et de trouver sa route. Ensuite, avec un peu d’expérience, la contrée nous deviendra familière, et ce qui nous paraissait touffu et inhospitalier peut devenir familier et rassurant. C’est ce qui se passe avec l’approche intégrale qui fournit une carte conceptuelle pour mieux savoir se situer, et comprendre le monde qui nous entoure. Même si, au début, cette manière de voir peut paraître relativement compliquée, car elle suppose une certaine capacité d’abstraction, elle donne une grille de lecture cohérente et claire du monde, en fournissant des repères pour comprendre l’évolution du monde dans ses différents aspects.

Cet article est un peu long… Un peu plus long que la plupart de ceux qui sont publiés sur ce site (et déjà qu’on me reproche de faire des articles trop longs :-)), mais le domaine le nécessite. J’ai imaginé le publier en petits morceaux, mais je trouvais que cela le dénaturait. De plus, il me semble que la présentation qui est en faite ici est relativement simple. J’ai essayé d’éviter les jargons et les termes philosophiques arides (ça aurait pu être pire 🙂 !).

Introduction

La vision intégrale et notamment le terme « intégral » fait référence à l’oeuvre de Ken Wilber, penseur américain, encore très peu connu en France, bien qu’étant l’un des auteurs les plus traduits dans le monde. Il a commencé ce travail dans les années soixante-dix mais a surtout donné la base fondamentale de cette approche en 1995 dans son ouvrage majeur Sex, Ecology, Spirituality. Mais ce faisant, on a pu se rendre compte qu’un certain d’autres penseurs (Spinoza, Hegel, Jean Gebser, Pierre Teilhard de Chardin, R. Steiner, Edgar Morin) avaient déjà entrepris une démarche « intégrale » en cherchant à construire une représentation globale du Tout, de ce que Wilber appelle le Kosmos (en reprenant la racine grecque du mot qui signifie ‘monde’ en latin et ‘ordre’ en grec), c’est-à-dire l’intégralité de tout ce qui est, en comprenant aussi bien les idées et les représentations que les structures sociales ou les objets matériels. Depuis, plusieurs auteurs sont venus à la fois apporter leur pierre à l’édifice mais aussi critiquer et mettre en évidence les défauts de l’approche de Wilber tout en soulignant son incroyable portée pour avancer dans une compréhension plus globale du monde.

Wilber part d’une constatation : aujourd’hui, pratiquement tous les contenus de toutes les cultures nous sont disponibles. Cela signifie que la connaissance est maintenant globale et que l’ensemble des réflexions, concepts, savoirs, théories, expériences et philosophies de pratiquement toutes les civilisations (prémodernes, modernes ou postmodernes) nous sont maintenant accessibles.

A partir de cette considération, que se passe-t-il si l’on cherche à comprendre ce que toutes ces civilisations peuvent nous dire sur le potentiel humain ? Que trouve-t-on si l’on se met en quête des points essentiels du développement humain, fondé sur l’ensemble des cultures disponibles, des grandes traditions ? Qu’obtient-on si l’on tente de créer une carte aussi complète que possible, une carte intégrale qui inclue les systèmes de pensée les plus avancés, les sagesses les plus profonds, les expériences les plus pertinentes de toutes ces cultures ?

C’est ce qu’a fait Ken Wilber, en s’appuyant lui-même sur d’autres auteurs qui avaient commencé le travail avant lui : A. Maslow, J. Piaget, L. Kohlberg, C. Graves, Jean Gebser, Sri Aurobindo, Teilhard de Chardin, Plotin, Shankara, N. Elias, C. G. Jung et bien d’autres.

Le principe consiste à assembler et à mettre en corrélation toutes les vérités que chaque culture prétend détenir. En mettant ensemble ces “vérités”, on les considère comme partiellement vraies, c’est-à-dire vrais dans leur domaine de référence. Un peu comme la physique Newtonienne qui est vraie tant qu’on ne va pas trop vite ou qu’on ne va pas dans l’infiniment grand ou l’infiniment petit. Ensuite on essaye d’assembler toutes ces vérités partielles en un système intégré en se posant toujours la question : quel est le cadre, le système général qui permette d’intégrer le plus grand nombre de ces idées en un tout cohérent? Comment articuler au mieux les pièces de ce puzzle gigantesque ? Comment définir un « framework », un cadre conceptuel, une vision du monde qui incorporerait l’ensemble de ces vérités partielles et constituerait ainsi une compréhension générale et globale du monde?

Le résultat de cette recherche résulte en un système intégral que Wilber élabore, améliore et peaufine au travers de ses nombreux livres qui traitent aussi bien de psychologie, de spiritualité, de sociologie, d’histoire des idées que de théories de l’art, d’éthique ou de philosophie. Grâce à de nombreux auteurs, cette grande fresque, ce grand tableau de l’histoire et de la structure de nos connaissance, devient une base pratique pour aider chacun à se développer, à épouser la Vie dans ses changements, à devenir une plate-forme conceptuelle pour mieux accompagner l’humanité dans son évolution.

Ce système intégral, bien qu’apparemment très complexe, apparaît finalement comme étant à la fois relativement simple et très élégant. Il s’agit d’ailleurs peut être de la qualité essentielle de K. Wilber : savoir intégrer tout un ensemble de pensées en un cadre cohérent, pratique et relativement facile à appréhender, même s’il révèle, une fois qu’on le connaît mieux, des richesses fabuleuses, des profondeurs insoupçonnables. Tout le système intégral (qu’il appelle AQAL) tient en cinq notions fondamentales :

  • les quadrants,
  • les stades (ou niveaux),
  • les lignes,
  • les états,
  • les types,

et aussi dans leur interconnexion, dans leur relation les uns aux autres. Les quadrants et les stades constituent le coeur de son modèle. Nous parlerons dans cet article des quadrants, ayant déjà abordé l’évolution des stades dans un article sur la Spirale Dynamique.

L’approche intégrale peut paraître un peu compliquée et abstraite à première vue. C’est normal car elle a été créée à partir d’un point de vue intégrateur de la complexité. En cela, elle se rapproche des grandes pensées de la complexité, comme celle que propose E. Morin, dans ses ouvrages sur la Méthode. Mais en fait, et nous le verrons au fur et à mesure des articles portant sur cette approche intégrale, elle peut s’appliquer de manière relativement simple et élégante, une fois que l’on a compris l’essentiel de cette approche. Je m’excuse donc auprès de tous ceux qui pourraient trouver cela un peu trop compliqué. Mais ce n’est pas la pensée de Wilber qui est compliquée, c’est le monde qui est complexe et l’approche intégrale permet de mieux l’appréhender et, quelque part, de le rendre plus simple et plus compréhensible.

Quatre aspects

Dans l’approche intégrale de Wilber, toute chose (être naturel, objet, situation, système, etc.) peut être analysée à partir de 4 perspectives fondamentales qui résultent du croisement de deux dimensions d’analyse: individuel-collectif d’une part et intériorité-extériorité d’autre part.

Individu et collectif

L’individu et le collectif forment un couple très uni, chaque terme ne pouvant être réellement considéré sans se référer à l’autre. Une société est composée d’un ensemble de personnes qui, collectivement, développent l’ensemble des mœurs, coutumes, normes et valeurs communes, qu’ils partagent, ainsi que les modes d’organisation et de productions qui sous-tendent cette société. Et en même temps, les individus se développent à l’intérieur d’une société donnée, d’un groupe social ayant effectivement ses valeurs, ses normes et sa culture, qui vont ensuite influencer chacun de leurs comportements.

Et cela est vrai à tous les niveaux de l’infiniment petit à l’infiniment grand. Chaque élément fait partie de quelque chose de plus grand qui le contient, c’est ce que Wilber, utilisant le terme d’A. Koestler, appelle un «holon» (de ‘holos’ tout, avec une terminaison en ‘on’ qui est la marque d’un élément, d’une particule): les molécules sont des ensembles d’atomes, les organismes des ensembles de molécules, la planète Terre un organisme plus complexe lui-même composé d’organismes.

La différence entre l’individu et le collectif porte surtout, d’après moi, sur la manière de regarder quelque chose. En biologie un organisme est analysé comme un objet, constitué de parties, mais en écologie, ce même organisme va être vu comme faisant partie d’un système, il n’est plus qu’un agent qui interagit avec d’autres organismes, c’est-à-dire avec d’autres agents de même granularité que lui. Dans le premier cas, l’objet d’étude est une individu, dans le second on s’intéresse à l’écosystème considéré comme un tout.

Individus et collectifs s’influencent l’un l’autre. Dans le domaine humain, ce sont les actions individuelles qui modifient et font évoluer la structure sociale ainsi que les normes culturelles en vigueur dans une société. En même temps, la structure sociale, les normes et les représentations collectives font pressions directement sur le comportement de chaque individu. Par exemple, un suédois ou un italien ne vont pas avoir, a priori, la même relation vis à vis du code de la route. Mais rapidement, si vous vivez en Suède ou en Italie, vous allez prendre le style de conduite collectif. Pourquoi? Parce qu’en Suède tout manquement au code de la route vous sera rappelé par les suédois eux-mêmes qui vous feront sentir en permanence que «on ne se comporte pas comme ça», et en Italie, vous comprendrez que si vous ne vous comportez pas comme les italiens, vous ne survivrez pas. Dans les deux cas, la pression culturelle va agir sur votre comportement pour que vous le normalisiez (au sens propre du terme d’entrer dans la «norme») c’est-à-dire que vous le rendiez conforme à celui des autres. Cette relation de co-dépendance entre comportements individuels et structures collectives est représenté figure 1.

individu collectif

Figure 1. Interaction entre le niveau individuel et le niveau collectif

Le comportement des individus va donner naissance à la culture, aux organisations et aux institutions, ainsi qu’aux normes de comportement, lesquelles vont agir, en rétroaction, comme une pression sociale, un habitus, que chaque individu va incorporer dans son être, c’est-à-dire dans sa manière de bouger, de parler, de se comporter vis à vis de quelqu’un d’autre (relation homme-femme, relation avec un supérieur ou un inférieur hiérarchique, relation de travail, amicale, etc.). Et ce de manière inconsciente, car ces normes s’inscrivent tellement profondément dans notre être que nous les croyons nôtres, qu’elles deviennent une part de notre identité.

Intériorité et extériorité

A côté de la dimension individu-collectif, il existe une autre dimension importante qui est souvent peu prise en compte car elle est moins visible. Il s’agit de la dimension relative à l’extériorité et l’intériorité d’un individu ou d’une société.

L’extériorité d’un objet, d’un évènement, d’une situation, d’une personne, c’est ce que l’on peut décrire en l’observant : son comportement, son architecture interne, sa structure biologique. C’est donc la qualité des choses d’apparaître comme des objets et que l’on puisse en parler à la troisième personne. La science pose un regard extérieur aux choses. Le scientifique est un observateur qui cherche à observer et étudier avec neutralité. L’important est ce qu’il constate et analyse, les données objectives et expérimentales qu’il peut récupérer et non pas ce qu’il vit, ce qu’il ressent. C’est la manière rationnelle d’investiguer le monde, d’aller à sa rencontre. Par exemple, si on analyse un arbre, on considèrera sa structure, ses fibres, les tissus végétaux qui le composent, sa composition chimique (cellulose, lignine, etc.), sa physiologie, c’est-à-dire son fonctionnement lorsqu’il est vivant avec notamment le processus de photosynthèse, la circulation de la sève, etc. Tout cela nous parle de l’arbre en tant que chose, en tant qu’objet.

L’intériorité d’un individu c’est au contraire ce qui se réfère à ce que l’on vit en tant que sujet conscient. C’est à partir de cette intériorité que l’on peut faire l’expérience de quelque chose, que l’on peut vivre et ressentir. L’intériorité c’est donc la dimension du sujet, dans ses différentes dimensions de conscience et d’inconscience, dans ses désirs, ses peurs, ses doutes, ses interrogations, ses raisonnements, ses représentations… L’extériorité c’est la capacité d’appréhender quelque chose objectivement. Mais si l’on ouvre cette chose, on trouvera encore d’autres choses, ses constituants. Cela ne constitue pas l’intériorité de la chose, mais seulement son intérieur. L’intériorité d’un être c’est la manière pour la personne d’être cet être, c’est l’expérience plus ou moins consciente d’être ce qu’il est et d’appréhender le monde sous la forme de sensations et de vécu. C’est donc le caractère subjectif de l’expérience d’être un humain, un singe ou une chauve-souris.

Ainsi le cerveau est du domaine de l’extériorité alors que l’esprit est du domaine de l’intériorité. On peut essayer de comprendre comment le cerveau fonctionne, mais cela ne permet pas d’appréhender ce que ressent vraiment le sujet. Cependant, intériorité et extériorité ne s’opposent pas mais se complètent. C’est d’ailleurs l’une des grandes ambitions des sciences cognitives, et des neurosciences en particulier, que d’essayer de trouver des correspondances entre les états neuronaux d’une part, faisant partie donc de l’extériorité de l’individu, et le vécu conscient du sujet, c’est-à-dire son intériorité, notamment par le biais de l’imagerie cérébrale qui a permis de faire des avancées fondamentales dans ce domaine.

Ces deux perspectives, extériorité et intériorité, sont aussi présentes au niveau collectif. L’extériorité d’une société c’est à la fois le « comportement collectif » que ses membres adoptent (par exemple, les bouchons sur l’autoroute lors de départ en vacances, l’engouement national pour des compétitions telles que le mondial de rugby ou de foot, la relation entre le comportement des téléspectateurs et la publicité, le travail coordonné d’une équipe d’ouvriers dans le bâtiment, etc..), mais aussi toutes les formes et structures sociales observables (ex : les structures éducatives, les institutions politiques, l’organisation d’une association, les fédérations sportives, etc..). C’est le domaine étudié par l’histoire, la sociologie, l’économie, la politique qui étudient systèmes sociaux, à partir de données empiriques et cherchent à modéliser leurs structures et leurs processus. La systémique, qui analyse le comportement de systèmes complexes, en mettant en avant leur dynamique tant dans leur évolution que dans leur conservation, relève aussi de la perspective extérieure.

L’intériorité d’une société ou d’un groupe social, c’est le « Nous » : sa culture, l’ensemble des représentations, des valeurs, des règles de conduites, des formes de pensées et des pratiques telles qu’elles sont intériorisées par les membres d’une société et qui constitue ainsi leur « habitus », leurs représentations sociales. C’est ce qu’étudient la psychologie sociale, l’anthropologie et d’une manière générale les « culture studies » anglo-saxonnes. Par la suite, les termes intérieur et extérieur doivent être entendu dans ce rapport à l’intériorité et à l’extériorité.

Au croisement des dimensions

Lorsqu’on croise ces deux dimensions on obtient quatre perspectives que Wilber nomme les quadrants. Ces quadrants, représentés sur la figure 2, sont les suivants:

  1. Le quadrant en haut à gauche présente la perspective individuelle/intérieure (I-I). C’est le lieu de la conscience, des états mentaux, du ressenti et de la subjectivité individuelle, et donc le domaine traditionnel de la psychologie.
  2. Le quadrant en haut à droite, le quadrant individuel/extérieur (I-E) correspond au point de vue extérieur que l’on peut avoir sur le monde. C’est le lieu de l’observation scientifique, de la compréhension des phénomènes, etc.. Pour résumer, c’est le point de vue du ‘cela’, de quelque chose que l’on perçoit à l’extérieur de soi-même, et donc de l’objectivité. C’est donc le domaine traditionnel des sciences dures, et, dans les sciences humaines de l’analyse du comportement.
  3. Le quadrant situé en bas à gauche, le quadrant collectif/intérieur (C-I) est celui de l’intersubjectivité, c’est à dire des représentations collectives partagées : c’est le domaine des idées, des modèles, des mentalités, de la culture. C’est le domaine d’étude de la psychologie sociale, de l’anthropologie culturelle, de l’histoire des idées, des “cultural studies” anglo-saxonnes, mais aussi celui de la symbolique des rêves et des mythes, de l’herméneutique (la symbolique des textes), du monde des archétypes Jungiens.
  4. Le quatrième quadrant, porte sur le collectif/extérieur (C-E), c’est-à-dire sur les systèmes collectifs tels qu’ils sont appréhendés de l’extérieur. C’est de l’analyse économique et sociale, de l’étude des infrastructures sociales, des traces collectives (documents, bâtiments, zones, etc..), et donc le lieu de l’organisation collective. Les sciences économiques, une grande part de la sociologie et de l’ethnologie, la géographie travaillent plus spécifiquement sur ce quadrant. De manière plus abstraite, c’est l’espace naturel de l’expression de la théorie des systèmes, considérés comme des ensembles d’entités en interaction.

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Figure 2. Les quadrants issus des axes individuel-collectif et intérieur-extérieur.

Cette grille de lecture permet d’appréhender une situation ou un évènement selon des perspectives complémentaires : quels sont les faits et les comportements observés (quadrant I-E de l’objectivité individuelle), comment cela est analysé, vécu et ressenti par une personne (quadrant I-I de la subjectivité), quelle est l’organisation sociale qui sert de cadre à cette situation ou cet événement (quadrant C-E de l’objectivité systémique) et enfin quelles sont les représentations sociales, les mentalités, et donc la culture, qui sont présentes au niveau collectif (quadrant C-I de l’intersubjectivité).

L’approche intégrale insiste sur le fait que l’on ne peut pas appréhender une chose, une personne, une situation, sans prendre en compte toutes ses perspectives. Ce que nous sommes, ce qu’un objet est, ce qu’une entité collective comme une ville est, se situe au delà de toute représentation. Mais chaque quadrant apporte un point de vue particulier. En cela l’approche intégrale constitue un guide : elle nous permet de ne pas oublier tel ou tel aspect de l’être, de ne pas tout ramener au corps ou à l’intériorité, mais de bien voir que nous sommes une globalité, reliée au Tout, à la totalité de ce qui est..

Prenons le cas de Marie. C’est une femme qui a des pensées, des humeurs, des ressentis. Tout cela fait partie du quadrant I-I, de sa subjectivité, de ce qu’elle vit intérieurement. En revanche, son comportement, ses compétences professionnelles, ses caractéristiques physiques, font partie des aspects objectifs de la personne prise comme telle. C’est le quadrant I-E, correspondant à une vue individuelle et objective de ses qualités. Mais cela ne s’arrête pas là : elle est intégrée à un ensemble social et professionnel. Elle a de la famille et des relations, elle reçoit de l’argent par son travail, achète et consomme, elle a des fonctions professionnelles, éventuellement des rôles dans des associations, etc. Tout cela correspond au contexte collectif et objectif de Marie, c’est à dire au quadrant C-E, caractérisé par une vision systémique des flux et des interactions. Mais Marie est aussi plongée dans un système culturel, un ensemble de valeurs, de normes, de représentations issues des groupes auxquels elle appartient (famille, organisations professionnelle, groupe socio-culturel, pays, espèce humaine), qui la formate sans qu’elle s’en rende compte et qui donne sens à ce qu’elle vit et à ce qu’elle voit. C’est ce que représente le dernier quadrant, collectif-intérieur (C-I) caractéristique de tout ce qui forme la culture d’un collectif et notamment les représentations collectives ainsi que la sémantique du langage. La figure 3 illustre ces aspects pour une personne.

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Figure 3. Représentation d’une personne à l’aide des quadrants

Cette grille de lecture permet d’appréhender une situation ou un évènement selon des perspectives complémentaires : les aspects individuels non observables (I-I) comme les valeurs, les motivations, les émotions et la cognition, aussi bien que les aspects individuels observables (I-E), et notamment les comportements individuels. Mais cela fait aussi apparaître l’inscription de cette dimension individuelle dans le collectif, par le contexte culturel (C-I), ainsi que par les propriétés « systémiques » des structures collectives (C-E), les effets de composition des actions individuels, les phénomènes émergents, etc.

Wilber aime lier ces quadrants à des pronoms : il associe le quadrant subjectif (I-I) au ‘je’ de la première personne du singulier, le quadrant objectif individuel (I-E) à la troisième personne du singulier ‘il’ (ou ‘ça’), le quadrant objectif collectif (C-E) au ‘ils’ ou au ‘tout cela’ et enfin, le quadrant culturel (C-I) au ‘nous’.

Usage des quadrants

Les quadrants peuvent être utilisés de plusieurs manières différentes, aussi bien pour décrire les différents aspects d’une personne, mais aussi pour envisager un objet sous plusieurs points de vue, pour analyser un domaine de notre vie quotidienne ou, de manière plus académique, pour positionner différents courants de pensée. L’intérêt à chaque fois est de pouvoir dépeindre quelque chose sous ses différents aspects et de vérifier que l’on n’a pas réduit la complexité d’un champ, d’une personne ou d’un domaine à une simple projection unilatérale.

Connaître ses différents aspects

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Figure 4. La personne que j’étais quand j’avais 12 ans, dans le contexte de 1968.

Finalement qui suis-je ? D’une certaine manière, je suis un organisme, c’est à dire un ensemble de cellules reliées entre elles et formant une organisation complexe qui a la particularité de vouloir perdurer pendant un certain temps (en moyenne l’espérance de vie pour un européen varie de 70 à 80 ans). Je suis ainsi mon corps physique, mais aussi mes compétences pratiques, ma manière de parler et de marcher.

Et tout cela s’inscrit dans le quadrant I-E de ce qui est observable objectivement par un observateur extérieur. Mais je suis aussi mes pensées, mon vécu, mes ressentis, mes désirs et craintes: tout ce qui me constitue dans mon intériorité et qui n’est jamais transmissible tel quel à qui que ce soit. Tout cela fait partie du quadrant I-I. Mais je fais aussi partie d’un groupe social, j’ai des relations particulières, une profession, des activités en lien avec d’autres, et j’ai donc des statuts, des rôles qui me positionnent dans la société, comme chacun de nous. En d’autres termes j’existe dans un ensemble de relations qui me constituent, comme l’exprime le quadrant C-E. Enfin, je vis dans un système de représentation collectif, de normes existant au sein de ma famille, mon organisation, mon pays. Je suis ainsi issu de certaines traditions philosophiques et spirituelles, qui font que j’ai tendance à voir le monde d’une certaine manière, ce qui s’exprime dans le quadrant culturel C-I. Afin, de bien montrer que ces quadrants ne sont pas qu’une abstraction, voici, figure 4, la description schématique de qui j’étais à 12 ans, en 1968.

Appréhender un objet ou un concept

On peut appréhender un objet ou une situation à partir des quatre perspectives correspondant à chacun des quadrants. Par exemple, la pomme qui se trouve devant moi, peut être décrite par ses qualités biologiques, par sa structure physico-chimique, à partir d’une perspective ‘objective’ (I-E). Mais on peut aussi voir le processus écologique qui l’a fait croitre, ainsi que l’ensemble des processus agricoles d’abord puis commerciaux ensuite qui l’ont fait venir chez moi. Mais cette pomme est aussi liée à ma faim, et aux choix qui me l’ont fait choisir plutôt qu’un autre fruit dans le magasin, c’est à dire qu’elle est liée à la subjectivité de mes goûts (I-I). Enfin, la pomme renvoie à tout un univers de symboles et de représentations, liées notamment à l’univers chrétien, qui en fait le symbole du fruit défendu de la Bible, et donc aussi celui de la tentation, du désir et du péché originel (C-I). En fait, c’est tout cet univers qu’apporte une pomme, et bien entendu cette démarche peut être généralisée à n’importe quel objet naturel ou manufacturé, à n’importe quoi finalement, puisque ces quadrants ne sont que des perspectives au travers desquelles ces choses là nous apparaissent.

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Figure 5. Différentes perspectives par lesquelles on peut appréhender la pomme

On constate simplement qu’en faisant ce type d’analyse, l’objet d’étude, ici la pomme, prend de l’épaisseur. Ce n’est plus seulement cet objet matériel qui se trouve là devant moi, mais le lieu d’un ensemble d’opérations, de représentations, de constructions. Une pomme n’existe pas en tant que telle. Elle se situe naturellement dans un champ de convergence où les représentations symboliques sont mises en rapport avec les préoccupations économiques, où la structure physico-chimique d’un objet est lié à l’expérience que je peux faire quand je goûte à une pomme.

On peut aussi appliquer les quadrants à la compréhension d’un concept abstraits. Par exemple, le concept de Beau peut être analysé selon les quatre perspectives comme le montre la figure suivante. Il peut être envisagé du point de vue subjectif, par le plaisir que j’ai à contempler quelque chose que je trouve ‘beau’ (I-I). Il peut être considéré du point de vue de la structure de l’oeuvre même (I-E), et c’est ce qu’on apprend dans les écoles artistiques: quelles sont les règles et les techniques permettant de produire une oeuvre «belle». On peut aussi voir que la notion de ‘Beau’ a évolué et que différentes écoles artistiques, depuis l’antiquité à nos jours, ont eu des visions différentes de ce qu’est le Beau et ainsi comprendre l’esthétique sous son aspect culturel (C-I). Enfin, on peut avoir une théorie sociale du ‘Beau’ en considérant les rapports sociaux qui existent permettant de dire ce qu’est le Beau, comme le montre P. Bourdieu dans son ouvrage sur La Distinction.

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Figure 6. Différentes perspectives par lesquelles on peut appréhender la pomme

Décrire un domaine

Il est aussi possible de décrire une situation ou un domaine de la vie dans ces quadrants. Par exemple, prenons le domaine de la maladie et de la santé, comme le montre la figure 7 :

  • Dans le quadrant individuel intérieur (I-I) se trouve ce que ressent le patient : j’ai mal, j’ai peur, je suis fatigué etc. C’est la vision à la 1ère personne : comment cela m’affecte, qu’est ce que je ressens, est ce douloureux, et comment je vis avec cette maladie ?
  • Le quadrant individuel extérieur, (I-E) correspond aux symptômes, aux causes, aux examens que l’on peut faire sur cette maladie, les remèdes possibles, etc. c’est-à-dire à la maladie envisagée depuis une perspective extérieure et “objective”. C’est à partir de ce point de vue que le médecin dresse son diagnostic et prescrit des médicaments, dans le but de soulager le patient et de le soigner.
  • Le quadrant collectif-intérieur (C-I), en bas à gauche, correspond à la représentation que la société a de cette maladie : par exemple, une maladie, comme la peste jadis ou comme le Sida plus récemment, peut être vécue comme une punition que Dieu avait lancé contre les humains parce qu’ils péchaient et s’écartaient du chemin de Dieu. A l’époque moderne, triomphe de la médecine scientifique, la maladie est vue comme un dysfonctionnement organique que l’on peut analyser à partir de la physiologie du corps humain et que l’on peut soigner comme on répare une voiture, en prescrivant des pharmacopées testées pour leur efficacité cliniques. Avec le développement des médecines alternatives, certains voient la maladie comme un symptôme de causes psychiques, qu’il convient de lire et d’accueillir afin de comprendre ce que notre inconscient tente de nous dire au travers de cette maladie. On voit là qu’il s’agit de trois regards différents sur la maladie, issues de trois cultures différentes Nous verrons au chapitre suivant (chapitre 2) que ces trois visions correspondent à des courants culturels différents, à des manières spécifiques d’appréhender le monde.
  • Le quadrant collectif-extérieur (C-E) correspond à l’ensemble des structures sociales et économiques qui sont développées pour soigner : les hôpitaux, les dispensaires, mais aussi le conseil de l’ordre des médecins, les CHU, le systèmes des études permettant de devenir “soignant”, etc..

 

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Figure 7. La représentation du domaine de la santé sous la forme de quadrants

Ainsi avoir une perspective intégrale sur la médecine, c’est comprendre à la fois l’ensemble de ces perspectives ainsi que la manière dont elles sont reliées, dont elles s’expriment relativement les unes aux autres. Si l’on veut modifier notre manière d’appréhender la santé, il est nécessaire de travailler sur les quatre quadrants en même temps, c’est-à-dire de prendre en compte aussi bien les aspects sociaux que les mentalités, le phénomène biologique à la source de la maladie que le vécu du patient. Le malade est un tout qui comprend aussi bien des aspects physiques, que psychique, sociaux que culturels. Et l’approche intégrale nous donne des repères pour pouvoir nous situer dans cet ensemble de points de vue.

Relier des champs de connaissance

Avec les quadrants, il est aussi possible d’exposer des courants de pensée, de situer les grands auteurs les uns par rapport aux autres. La figure 8 positionne, de manière simplifiée, un ensemble d’auteurs et de domaines de connaissance sur les quadrants. Cela permet de voir comment les auteurs et les domaines recouvrent la totalité de ce qui est avec des approches complémentaires et des points de vue différents.

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Figure 8. Positionnement de quelques courants de pensées et d’auteurs avec les quadrants

On peut ainsi constater que la plupart des auteurs ont eu tendance à se consacrer à un quadrant, parfois deux. Et que très peu d’auteurs se sont réellement penchés sur la prise en compte globale de l’ensemble des quadrants. Personnellement, avant Wilber, je ne connais que Spinoza, Hegel et Norbert Elias pour s’être réellement penchés sur ces différents aspects de l’être et sur leur interaction.

Une vision non-réductionniste du monde

L’approche intégrale est synthétique et elle considère que ces 4 quadrants sont non-réductibles les uns aux autres, et que toute approche qui tente d’embrasser l’être dans une certaine généralité sera amené à prendre en compte ces aspects multiples. Elle dépasse l’approche purement systémique, car cette dernière fonctionne du point de vue extérieur (l’approche systémique est un élément fondamental du quadrant C-E, qui traite des flux, des systèmes sociaux, économiques, écologiques, etc.). Il n’y a finalement pas de quadrant plus important les uns que les autres, et en aucun cas on ne peut réduire un quadrant dans un autre, même si de nombreux courants de pensées ont tenté de le faire.

        En effet, la tentation réductionniste, du fait de l’impression de simplification qu’elle procure, est grande. Dans le champ de la science, les sciences dures (physique, chimie, biologie) ont parfois tendance à vouloir réduire les sciences humaines — et d’une manière tout ce qui a trait à la conscience, aux états mentaux à un fonctionnement issus des quadrants extérieurs — à une activité matérielle «objective» comme le montre la figure 9. Ce sont par exemple les neurosciences qui peuvent donner l’impression que le psychique n’est qu’un simple effet de l’activité neuronale, ou la physique qui tente de ramener les comportements collectifs humains à une extension de la thermodynamique.

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Figure 9. La réduction matérialiste qui réduit les aspect intérieurs à une dynamique extérieure.

Mais on trouve la réduction inverse. La tentation de tout ramener à l’activité symbolique est grande dans les milieux littéraires ou spirituels, comme le témoigne la phrase «Tout ce qui passe n’est que symbole» de Goethe. De même, certaines spiritualités orientales telles que certains courants du bouddhisme et de l’hindouisme vont jusqu’à nier la réalité des quadrants I-E et C-E en prétendant qu’il ne s’agit que d’une illusion (Maya), comme l’illustre la figure 10.

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Figure 10. La réduction à l’intériorité, niant la réalité du monde ‘matériel’

Ces réductions, et les erreurs qu’elles comportent, n’ont pas qu’une valeur théorique. Car elles sont le support de notre action. De ce fait, si dans notre vision du monde, nous voulons tout expliquer à partir d’un ou de deux quadrants, nous courons le risque d’obtenir des effets qui vont à l’encontre de notre vision, car le monde résistera à notre tentative de l’enfermer dans un système réductionniste. Wilber explique ainsi que l’erreur du marxisme, bien qu’ayant très bien compris les rapports de production qui ont lieu dans le quadrant C-E, est de ne pas avoir intégré les quadrants intérieurs (I-I) et (C-I), c’est à dire le mode de fonctionnement des êtres humains, et d’avoir relégués les êtres humains à de simples unités de production, faisant fi de leurs croyances, de leurs valeurs mais aussi de leurs intérêts personnels. De ce fait, dans son application, ce sont les désirs individuels, les aspirations de chacun à avoir une vie meilleure, les volontés de puissance et de domination mais aussi l’élan vers la liberté et l’expression de soi, ainsi que le désir de donner du sens à ses actes qui constituent l’échec du communisme dans les pays de l’Est notamment (et d’après Wilber de toute société communiste qui n’aurait pas une approche intégrale de la société). De même les spiritualités qui nient la réalité des quadrants extérieurs, tend à dénigrer le corps, la sexualité, la vie quotidienne, les rapports sociaux, les formes d’organisation politiques, etc. au profit uniquement de l’élévation de conscience et de la pureté de l’âme, peuvent conduire à des situations totalement contradictoires avec ce qui est enseigné: inflation de l’ego, déviances sexuelles, prises de pouvoir, corruption des hiérarchies spirituelles, etc.

Conclusion

L’approche intégrale est fondée sur deux principes essentiels: l’intégration des perspective et l’évolution. Les quadrants portent sur le premier principe et le second a été développé dans un article sur la Spirale Dynamique., mais nous le reprendrons pour un autre article dans une vision intégrale.

Nous avons vu dans cet article l’intérêt à la fois de décomposer une personne ou une situation en quadrants, mais ensuite d’intégrer ces différents aspects en un tout cohérent. Néanmoins, nous avons surtout présenté l’aspect statique des quadrants: que se passe-t-il quand deux êtres se rencontrent, comment fonctionne la dynamique de l’ensemble des quadrants sur un domaine particulier, comment se construisent et comment évoluent les éléments qui se trouvent dans chacun des quadrants? C’est ce que nous verrons dans un prochain article où nous présenterons une vision dynamique des quadrants. Cela permettra aussi d’aller regarder les dernières extensions de Wilber, telles que les lignes et les zones, en termes d’interactions et de dynamique intra et inter-quadrant.

L’approche intégrale permet de penser la complexité, à la manière de la méthode d’Edgar Morin. Mais nous verrons que cela va ensuite plus loin, car il est possible d’utiliser l’approche intégrale comme un framework, c’est-à-dire un cadre de référence, une architecture conceptuelle permettant d’appréhender un domaine dans sa structure et sa complexité: il est ainsi possible de parler de spiritualité intégrale (bouddhisme et christianisme intégral sont déjà bien avancés, et je propose un ‘tantra intégral’ qui se situe dans cette même famille de pensée), de management et coaching intégral, de politique et d’écologie intégrale, et bien entendu de pratique personnelle intégrale.

Mais au delà du framework et du cadre conceptuel, l’approche intégrale nous invite à voir la Vie comme une danse ou comme une oeuvre musicale, chaque quadrant représentant un musicien ou un groupe de musicien différent: chacun joue et produit sa partition, sa partie, mais l’ensemble se révèle dans sa magnificence lorsque toutes les parties se produisent ensemble. C’est cet équilibre entre individuel et collectif, entre l’intériorité, la culture, le domaine social et le monde matériel que ce joue cette oeuvre gigantesque qu’est la Vie et dont nous sommes chacun l’un des participants. C’est la tetra-manifestation (‘tetra’ signifie quatre en grec), de l’Etre, qu’on l’appelle Nature, manifestation divine (ou tout simplement Dieu comme Spinoza) et que nous portons, chacun d’entre nous, inscrite dans cette pluralité d’aspects. Sans nous l’oeuvre n’existe pas, mais sans l’oeuvre nous n’existerions pas non plus, et c’est à cette forme de pensée — et à la pratique qui la sous-tend — tout à la fois globale, holistique et en même temps analytique, que nous invite l’approche intégrale. Et c’est à une meilleure présentation de cette pensée dense, riche, et en même temps ouverte vers la pratique et l’application pratique que nous consacrerons les prochains articles de cette série.