Si nous contemplons l’évolution du monde dans une perspective cosmique, on ne peut que sentir appelé à se réveiller, à vivre pour une raison qui nous dépasse totalement, pour devenir un véhicule puissant d’une potentialité humaine qui nous dépasse. On découvre qu’il est effectivement possible d’être l’expression de cette potentialité illimitée et alors on s’aperçoit que la seule voie pour impacter notre futur collectif c’est de s’éveiller – et devenir – le Soi authentique, cette part de nous même qui désire que nous soyons plus conscient, et qui c’est le cosmos lui-même qui évolue. [Texte tiré de l’un de ses enseignements].
Globalement, je suis assez d’accord: nous ne somme qu’un véhicule de la Vie qui se cherche au travers de notre évolution de conscience.. C’est d’ailleurs très exactement la perception que l’on a du point de vue Turquoise, ou “holonique” dans la Spirale Dynamique ou AQAL de Wilber. Cela revient à ressentir profondément que nous faisons partie de quelque chose qui, à la fois nous constitue, et a besoin de notre conscience la plus haute pour progresser dans son évolution. En d’autres termes, nous sommes au service de la Vie, cadre indépassable de notre existence, qui nous a créé, qui fait partie de nous et qui, au plus profond de nous même, nous pousse à grandir à devenir de plus en plus conscient de ce que nous sommes, mais qui se heurte à la part luciférienne de chacun, l’ego qui, en nous faisant vivre dans la dualité, nous donne l’impression que nous sommes séparés les uns des autres, que nous n’avons de compte à rendre à personne, et surtout pas à la Vie, et qui se trouve à la source de notre orgueil et de notre vision centrée sur nous-mêmes.
Mais dans cette approche, à laquelle je souscrit totalement dans ses grandes lignes, je trouve qu’il y a un certain dogmatisme (j’ai raison et les autres ont tort) qui peut donner l’impression d’une part qu’il n’existe qu’une seule voie (une valeur très Bleue dans la Spirale) et que d’autre part cette voie est radicalement différente des autres (distinction très Orange) alors qu’en fait, bon nombre d’éléments dont il parle font en fait partie de la plupart des voies spirituelles plus “classiques” pourrait-on dire. Quelques exemples:
- Il s’extasie de l’apparition d’une conscience collective auprès de ses étudiants qui dépasse chacun des individus et qu’il appelle “nous collectif”. Or cette conscience collective rappelle beaucoup ce qu’on appelle souvent “Egregor” et qui correspond effectivement au sentiment de vivre comme faisant partie d’une seule conscience collective. On la rencontre dans les écrits des premiers chrétiens comme dans ceux de la franc-maçonnerie, et cela fait partie de l’expérience commune de toutes les communautés spirituelles, lorsque chacun commence à se mettre au service de ce tout..
- Sa vision du Soi authentique correspond totalement à l’équation Brahman (ou Soi collectif, Dieu âme du monde, totalité, Vie, etc..) = Atman (ou Soi vécu du point de vue individuel). En gros cette idée du Soi qui se trouve être en même temps ce qui se situe à la racine de toutes choses, et l’être qui nous guide intérieurement, se retrouve dans les écrits Hindous comme dans les écrits les plus profonds de Carl Jung.
J’ai parfois l’impression qu’Andrew Cohen a créé une sorte de synthèse de l’hindouisme (l’ego est ce qui fait obstacle pour accéder à la transcendance, importance de la méditation, Atman=Brahman, etc.) et du protestantisme. Pour cette dernière, cela peut paraître bizarre car Andrew Cohen est juif d’origine, mais sa vision de l’individu qui se sacrifie au profit d’une oeuvre plus grande qu’elle et, que par sa pratique, il accomplisse les desseins de Dieu en travaillant à sa gloire (et ce faisant à son propre salut) sont caractéristiques du protestantisme (j’utilise d’ailleurs ici les termes du protestantisme plutôt que ceux d’Andrew). De plus, cet engagement individuel profond que chacun se doit d’avoir envers l’Eveil Evolutif (s’il ne le fait pas, c’est qu’il est encore dans les pièges de l’ego), est vécu comme un acte héroïque. Comme il l’écrit:
Ce monde plein de détresse ne pourra réellement changer que si l’individu accepte d’aller au-delà de l’aspect personnel d’une manière rien moins qu’héroïque. Une attitude moins radicale nous permettra de demeurer dans un état où nous voulons toujours quelque chose pour nous-mêmes –comme un mendiant qui mène une existence torturée, dans un état de manque perpétuel. C’est de cette manière que la plupart d’entre nous sont prêts à vivre leur vie.
Cet engagement est donc un acte héroique, et l’on entre dans cette voie comme un moine-soldat! Pourtant il existe d’autres voies pour à la fois dépasser les conditionnements de son ego et participer à l’oeuvre divine, voies que l’on rencontre dans toutes les grandes religions, Bouddhisme, Judaïsme, Christianisme, Islam et Hindouisme, certaines mettant plus l’accent sur des pratiques individuelles, d’autres sur l’importance d’agir dans le monde, même si ces religions opèrent traditionnellement à partir d’un niveau normatif Bleu.
Travailler à l’évolution positive du monde, c’est bien: il est clair que nous avons besoin de toutes les forces de conscience et d’âme sur cette planète si nous voulons que le monde prenne une autre direction que celle dans laquelle elle se trouve. Cela n’est pas nouveau, pratiquement tous les “créatifs culturels” (essentiellement des personnes de niveau empathique-pluraliste Vert) pensent, et agissent, selon cette perspective. Mais il veut aller plus loin. Sans vraiment nous dire comment, il nous dit: “Nous avons une responsibilité envers l’évolution de la race humaine”. En le lisant, nous ressentons au fond de nous une vague d’énergie: levons nous pour construire un monde meilleur, pensons nous. Et ça c’est justement un des pièges de l’ego: croire que sans nous le monde va à la dérive et que nous serons les sauveurs du monde. Quelques prophètes ont pu dire cela de manère authentique, et leur vie n’a pas été de tout repos.. Pour les autres, c’est juste entrer dans la pathologie du “messie”. Mais l’ego ne se situe pas que dans les individus, il loge aussi dans les groupes, les communautés qui pensent qu’elles ont la vérité et que les autres sont dans l’erreur. C’est l’ego collectifqui prétend ainsi, avec une certaine dose de conformisme (Bleu) qu’il est possible pour un groupe de sauver le monde, autre manière de prétendre être les élus.
Le monde aujourd’hui n’a pas besoin de sauveurs mais de guides bienveillants qui aide le monde à avancer, en l’interpellant avec fermeté soit, mais aussi en se penchant sur lui avec amour, avec compassion. Or c’est justement sur ce point que je pense que l’approche d’Andrew Coh
en pêche le plus. Il manque à son système de développement spirituel la moitié de l’histoire, à savoir le féminin dans toutes ses dimensions d’extase, d’amour, et de compassion, féminin qui apparaît comme totalement absent de son enseignement, voire explicitement rejeté.
En effet, il ne se réfère jamais (mais alors jamais!) à des notions telles que l’amour, la compassion, et encore moins la sensualité, le plaisir et l’extase. Andrew Cohen est un guerrier: il suffit de le voir taper sur sa batterie (c’est effectivement un très bon batteur de Jazz-fusion) pour sentir l’énergie acérée qu’il déploie. Je n’ai rien contre le fait qu’il existe une voie qui mette en avant l’héroïsme, le sacrifice et la conscience (au passage, on notera que l’héroïsme au service d’une cause et le sacrifice sont des notions Bleues et non Turquoise. Au niveau Turquoise on ne sacrifie pas l’ego au profit d’une cause ou d’un collectif, on se perçoit dans le flux de la Vie, et il n’y a aucun effort à faire!) mais je récuse le fait qu’il n’y ait que cette voie, et qu’elle passe par l’effort et l’héroïsme!! Je comprend la réticence qu’il puisse avoir à parler d’amour, de compassion et d’ouverture du coeur, car ce sont des termes qui ont été énormément repris par le monde post-moderne (niveau Empathique-Pluraliste, Vert de la Spirale). Sauf que Vert fait l’expérience de l’amour et de la compassion à partir du moi (de l’ego) et non du Soi. Si Vert est le premier niveau de l’empathie (“je me mets à ta place” en conscience) il vit parfois l’amour comme une sorte de grande tendresse à prodiguer à tout un chacun: “amour et lumière, je te fais un hug et je suis bien dans tes bras”, voire avec une tendance assez narcissique de l’amour (“Je suis quelqu’un de bien parce que je fais preuve d’amour et de compassion”).
L’amour, aux niveaux supérieurs (l’Agapé christique dont parlent J.-Y. Leloup et C. Bensaïd dans leur livre Qui aime quand je t’aime?), c’est simplement le ressenti d’un élan total, vécu comme une sorte de courant ou de flux qui envahit le coeur et déborde au dehors, emplissant le monde d’un amour total envers tout ce qui vit, un amour qui est une sorte de grand amour maternel ou paternel envers les autres (même les ennemis dans ce cas) et l’ensemble de ce qui constitue la Vie.. Comme le disent les mystiques, on ne sent plus dans ce cas que c’est nous qui aimons, mais que c’est l’amour qui nous traverse et nous fait aimer les autres en nous rendant humble devant tout ce qui est. On ne ressent plus l’amour comme venant de nous, mais comme s’il venait de la Vie elle-même. C’est pourquoi les grands maître spirituels parlent d’amour et de compassion, voire d’amour inconditionnel, sentiment vécu au delà de l’ego.
Le manque de féminin dans l’Eveil Evolutif se fait particulièrement sentir dans le rapport à la sexualité, aux plaisirs, et d’une manière générale au manque de corps et de sensualité dans sa méthode.. car, comme un vrai protestant (ou un vrai brahmane d’ailleurs), il pense que tout cela est un obstacle vers l’éveil.
Ainsi, en éliminant les qualités féminines du rapport au corps, de l’amour et de la compassion, du plaisir et de la sexualité sacrée, Andrew Cohen se prive, d’après moi, d’aspects fondamentaux des niveaux supérieurs et d’accès à des dimensions allant au delà de l’ego pour l’intégralité de l’être. En même temps, comme je souscrit totalement d’une part à l’idée de l’évolution et d’autre part à celle de l’action individuelle et collective pour agir dans le sens d’une plus grande conscience, j’aime vraiment Andrew Cohen… mais à 50%… et c’est toujours avec plaisir que je lis sa revue ou que je rencontre des adeptes de l’Eveil Evolutif, car j’apprend toujours beaucoup de choses à leur contact.
Plus grave encore que son dogmatisme est la façon dont il traite ses ‘disciples’. Lire les témoignagnes de ses anciens disciplines sur le blog ‘What enlightnement!’ : http://whatenlightenment.blogspot.com/
Egalement lire le livre ‘Enlightnement blues’ de Andre van der Braak. Sous prétexte de dépasser l’égo, on traite ses disciples avec sadisme. Quand on sait que Wilber donne son soutien à Cohen…
Ceci dit il ne faut pas jeter le bebé avec l’eau du bain. Sa revue ‘What enlightenment’ contient des articles passionants et ses dialogues avec Wilber sont très novateurs.
Philippe.
Correction: Je parlais de sa revue ‘What is enlightnement’ et pas ‘What enlightnement’ (ne pas confondre avec le blog que j’ai mentionnée avant)
Philippe.
Serge Durand a dit…
Bonjour,
cela fait maintenant quelques temps que j’ai pris ou que les circonstances m’ont fait prendre des distances avec le mouvement d’Andrew Cohen. A un moment donné j’étais prêt à dire qu’il était mon maître. Mais mon rapport à la spiritualité intégrale est toujours passé par mon rapport à la démarche de Sri Aurobindo, Mère et Satprem.
Pendant un temps j’avais l’impression que l’enseignement d’Andrew Cohen convergeait avec cette approche d’une évolution consciente de la conscience.
Sur la question de l’âme, il y avait eu ainsi une évolution notable. Mais peu à peu j’ai ressenti que l’engagement au service d’une conscience collective avait plus de poids que l’émergence de l’âme. Or j’ai compris que l’évolution consciente de la conscience exige une individualisation sans précédent pour vraiment générer une conscience collective authentique. Ce que Andrew appelle le narcissisme postmoderne n’est pas un excès d’individualisation, c’est au contraire une soumission à des canons et des normes esthétiques, culturels, sexuels, etc. Il y a plus de mimétisme que de puissance créatrice dans l’individualisme postmoderne.
Andrew dégage bien la possibilité d’un champ de conscience collectif que j’ai éprouvé dans la communication éveillée. Mais cela permet-il de s’individualiser profondément ? Cela permet-il de se soumettre au principe évolutif d’Un-dividualisation au coeur duquel l’Un source à l’évidence se démultiplie ? LA RIGUEUR de Sri Aurobindo me paraît à ce sujet bien plus vaste que celle d’Andrew Cohen ou que celle de Ken Wilber qui intellectuellement l’inspire. L’approche de Ken Wilber ne lui permet pas de soupçonner qu’il n’a ni le monopole de l’Un ni le sens profond de la diversité. J’ai commencé à réaliser cela quand j’ai fait lire Une brève histoire de tout de Ken Wilber à une de mes connaissances plus habituée à Hans Jonas, Teilhard et Bergson. Elle m’a dit qu’une telle approche minimisait la personne. Moi je ne voyais pas bien en quoi. C’est le retour à Sri Aurobindo qui m’a éclairé sur ce point : il y avait un pôle individuel et personnel absolu autant qu’un pôle universel ou qu’un pôle de transcendance. Les derniers ouvrages de Ken Wilber introduisent un “Tu” mais je crois que c’est insuffisant : un pôle d’individualisation fait encore défaut dans sa conception de l’absolu lui-même, sa compréhension de l’individualisation reste trop relative. Je me suis aperçu que ce pôle était bien plus central dans la conception éducative et de la relation spirituelle maître disciple chez Sri Aurobindo, Mère et Satprem. Chez Ken Wilber il y a de l’oeucuménisme spirituel et c’est pourquoi Andrew a sa place dans son mouvement mais l’individualisation de l’évolution spirituelle n’a pas encore sa place pratique et théorique… Je ne vois guère un sens de l’individualisation au niveau de la pratique des techniques spirituelles chez Enlightenext, le mouvemement d’Andrew.
Quand je regarde les déçus et les amers d’Andrew, il manque souvent une perspective spirituelle d’analyse car comme le remarque avec justesse Sri Aurobindo un bon disciple peut tirer le meilleur du maître le plus ambigu et c’est de ce meilleur qu’on peut alors comprendre vraiment les limites de son ex-maître. Donc je dis aussi à ma façon Andrew Cohen à 50%.
Cordialement, Serge.
Analyse intéressante et très pertinente à laquelle je souscris entièrement. J ajouterais, que je ne vois pas, ou il place la nature qui nous entour et qui est; il me semble, à nos origines et nous a, jusqu à ce jour permis de vivre et de nous émerveiller de l immense potentiel de vie que nous avons sur cette terre.
Je suis un inconditionnel de la revue. En accord avec les compliments précédents.
Pouvez vous m expliquer pourquoi? ce “concentré” avant-gardiste,appuyé d interviews percutantes de personnalités importantes et bien en place dans notre monde actif;reste dans l ombre.
Cette revue reste confidentielle jusqu à ce jour; malgré les efforts
des éditeurs français qui m ont annoncé que j étais le 101″ abonné il y a de cella un an.
Pourquoi les gens ne s intéressent ils pas à leur avenir tout en vivant le présent à l envers ??
OK; je viens de donner la réponse.
Merci pour votre travail que je viens de découvrir, continué .
A bientôt.
Eric.
J’ai retrouvé au moins deux citations d’Andrew Cohen sur l’amour parues, il y a plus ou moins longtemps, sur son site internet. Elle sont caractéristique de son état d’esprit. Voici un extrait de la première : “Donc si nous voulons sincèrement évoluer, nous devons avoir le courage d’abandonner la promesse illusoire du bonheur parfait et de la plénitude béate inhérents à l’imaginaire romantique et sexuelle. Alors seulement nous découvrirons que ce contentement durable n’est le notre que si l’on s’arrête enfin de le chercher à l’extérieur de nous.
Quand vous avez le courage de lâcher la plus grande illusion qui soit, vous découvrez un amour qui n’est pas personnel, une plénitude vide d’attachement et libérée de la certitude qu’il manque quelque chose de fondamental. Et seule, cette découverte libératrice, donne aux êtres humains la possibilité de s’unir dans l’intimité personnelle et la communion sexuelle d’une façon qui est libre de la désillusion, de la complexité, et de la confusion sans fin qui sont, en général, si présentes dans ce domaine de la vie. ”
Il reprend ici une vieille thématique spirituelle qui insiste sur le fait d’aimer absolument seulement le Suprême et d’aimer ses manifestations que sont les autres seulement dans son amour.
Saint Augustin distingue dans ses Soliloques uti (user) et frui (jouir) en ce sens. La voie du couple est en ce sens la voie du héros(héroïne)…
L’autre citation au sujet de l’amour me semble fort discutable. En effet,
Andrew Cohen semble proposer une approche qui semble au nom d’un principe évolutif nier toute forme d’amour inconditionnel : « L’amour inconditionnel n’a pas du tout de valeur si vous vous intéressez à l’évolution de la conscience. Je sais que cet idéal est très populaire sur le marché spirituel post-moderne. Mais réfléchissons un instant à ce que cette phrase sous-entend. Cela veut dire « je t’aimerai absolument et pour toujours, peu importe ce que tu fais et ce que tu as fait – que tu sois le plus grand saint ou le plus grand des pécheurs que l’univers ait jamais produit. » Ca c’est l’amour sans aucune condition. Mais à quoi sert un tel amour ? La seule personne qui veut ou qui a besoin d’être aimée inconditionnellement est un pécheur qui n’a absolument aucune intention de se repentir ! Une personne qui a vraiment l’intention de changer et de se transformer n’a pas besoin ou même ne désire pas d’amour sans conditions. Si vous avez cessé de faire semblant et que finalement, vous avez choisi de vous prendre vous-même au sérieux ainsi que votre vie pour les bonnes raisons, vous prenez alors la responsabilité de l’évolution de la conscience au niveau le plus profond et le plus élevé. Vous faites l’effort héroïque de cultiver la force d’âme, c’est-à-dire la capacité d’être intègre, transparent, et le plus important, authentique. Vous n’avez simplement pas besoin d’être aimé inconditionnellement parce que vous aspirez à vous élever moralement. En fait, vous vous êtes éveillés à un amour qui est fortement conditionnel, un amour qui demande rien moins que tout, à chacun d’entre nous. Si vous voulez que l’univers se transforme à travers vous, la dernière chose dont vous avez besoin c’est d’être aimés sans conditions. »
Son raisonnement est provocateur. Faut-il à partir de là condamner l’idée d’amour inconditionnel comme incapable de servir une éthique créatrice ou comme nous le pensons fonder une nouvelle légitimité à cette expression en considérant que tout évolue d’un seul tenant ? L’ego si vilipendé par les chercheurs spirituels ne devrait-il pas être abordé et compris aussi comme un moment nécessaire de l’évolution créatrice de la conscience, même s’il doit, comme tout stade d’une évolution créatrice, être dépassé, reconfiguré dans une conscience moins étroite ? Au lieu d’opposer à l’ego et ses besoins à un au-delà de l’ego, ne faut-il pas entendre au sein de l’ego un appel, une aspiration à grandir en direction d’un au-delà de l’ego ? Tant que cette aspiration qui forme l’ego comme reflet de l’aspiration divine à s’individualiser de plus en plus divinement n’est pas discernée de la tentation de l’ego d’étendre son pouvoir illusoire à l’univers, que vaudra notre spiritualité évolutive ? Ce qui doit être nourri dans nos relations avec nous-mêmes et les autres n’est-il pas alors un amour inconditionnel pour cette dimension enfouie au tréfonds de l’ego qui reflète avec plus ou moins d’intensité l’aspiration de ce processus cosmique et transcendant d’individualisation du divin lui-même ? N’est-ce pas céder à la tentation d’une puissance aveugle que de se contraindre soi et les autres à céder sur nos rêves de puissance égocentrique avant même d’avoir discerné en nous-mêmes la puissance authentique de la conscience qui dans l’avenir produira un dépassement de l’ego ? Au lieu de poser des conditions à notre ego et aux egos des autres au nom de l’évolution ne faut-il pas apprendre à discerner ce qui inscrit au coeur de l’ego l’a individualisé ? L’amour n’est donc pas angélique quand il prend le masque de l’ego puisqu’il en vient à se défigurer et se chercher dans une guerre contre soi et les autres. Poser des conditions à l’amour est-ce bien raisonnable avant même d’avoir discerné que la puissance d’évolution la plus authentique, c’est l’amour ?… Et puisque l’amour suprême se verrait au coeur de ce qui individualise les autres, quel besoin d’intervenir auprès des autres génèrerait-il s’il était conscient chez un être humain ? N’y a-t-il pas une exigence de sagesse et donc d’amour, comme l’inspire Tchouang Tseu, chap 19, à donner la dose exacte de vérité qui convient à l’autre pour son progrès spirituel ? Il est étonnant que quelqu’un qui veuille participer consciemment à l’évolution pose des conditions à son amour qui ignorent le rythme évolutif individuel des êtres… D’où surement tant d’amertume de la part de ceux qui n’ont pas supporté ces erreurs de dosages…
L’exhortation d’Andrew Cohen à supporter un dosage excessif au nom d’une victoire sur l’ego me paraît une négation de ce que m’a enseigné mon propre parcours individuel vers ce chemin de l’évolution consciente de la conscience qu’a dessiné peu à peu merveilleusement la vie elle-même. Et pour évoluer le maître spirituel doit rester la vie dont la rudesse, elle, ne trahit pas l’amour par son sens profond du dosage qui convient à notre âme même s’il ne convient pas en surface à notre ego.
Pour avoir frequente la communaute d’Andrew de pres, je peux affirmer que la voie du guerrier d’exclusion de l’ego ne mene qu’à plus d’ego et de soif de pouvoir sur les autres.
Je vous conseille de jeter un coup d’oeil sur “STEPS TO KNOWLEDGE” de Marshall Vian Summers une voie d’intégration et d’evolution qui laisse une grande place a l’ame et le coeur par le pouvoir de l’Amour et des Relations Essentielles
http://www.newmessage.org/books/steps-to-knowledge.php
Step 12
MY INDIVIDUALITY IS TO EXPRESS LIFE ITSELF.
HERE YOUR UNIQUENESS IS A GREAT ASSET and a source of joy,
not a source of painful alienation and not a source of painful
judgment against yourself or others.This distinction does not elevate
you above or place you below anyone else. It merely pinpoints the real
purpose behind your individuality and its great promise for the future.
You are here to express something.That is the real meaning given to
your individuality because you do not want to be separate anymore.
ON TWO OCCASIONS TODAY, practice two periods of silence
exercising the practice that we have illustrated thus far.
PRACTICE 12: Two 15-minute practice periods.
A propos d’ego 1
Bonjour à tous, je viens de découvrir avec beaucoup d’intérêt ce site et ce blog.
Enfin un espace d’échange en français sur la pensée intégrale ! C’est un sujet qui me passionne. La pensée d’Andrew n’est pas si facile à comprendre et je m’y suis souvent cassé le nez. Je ne prétends pas être une experte, mais c’est quelqu’un qui m’a beaucoup inspiré et qui continue à le faire, même si je ne fais plus partie du groupe de ses étudiants.
Serge a dit :
« L’ego si vilipendé par les chercheurs spirituels ne devrait-il pas être abordé et compris aussi comme un moment nécessaire de l’évolution créatrice de la conscience, même s’il doit, comme tout stade d’une évolution créatrice, être dépassé, reconfiguré dans une conscience moins étroite ? …»
Oui bien sûr, je suis tout à fait d’accord là dessus et selon ma compréhension actuelle, Andrew aussi est en accord avec cette idée. Je me souviens, l’avoir entendu affirmer que l’ego ou sens séparé de soi est une avancée importante de l’évolution.
Si on observe l’évolution du moins au niveau biologique, on s’aperçoit que toute avancée qui, à terme, sera victorieuse, est contre-balancée par un effet feed-back qui va limiter cette avancée dans un équilibre dynamique et permettre ainsi à l’évolution de continuer. Quand Andrew Cohen parle de l’ego, il parle de l’excès de cette avancée évolutive, excès qui non seulement est pénible à vivre pour soi et pour les autres, mais qui est également contre évolutif. Voici ce qu’il en dit (lire en anglais http://www.andrewcohen.org/teachings/ego.asp) :
« Contrastant avec la liberté inhérente du Soi Absolu et la passion débridée du Soi Authentique, l’ego est expérimenté comme un bourbier émotionnel de peur et d’attachement. C’est la partie de nous qui ne s’intéresse pas du tout à la liberté, qui se sent victime de la vie, qui évite tout ce qui pourrait altérer son image, qui est investi à fond dans les peurs et désirs personnels et qui ne vit que pour lui-même. Dans la nature humaine, l’ego est une force d’inertie puissante, anti-évolutive, attachée au passé, terrifiée par le changement et recherchant uniquement à préserver le statut quo »
Dans cette description, ne serait ce qu’au niveau de la vie quotidienne, il est clair que l’ego est la partie de moi-même qui m’empêche d’avoir confiance dans la vie et d’avancer joyeusement et librement, bref qui me pourrit la vie. De plus, sa perspective est limitée …
Maintenant, on peut aller plus loin. Qu’en est-il de notre individualité ? N’avons nous pas chacun d’entre nous une spécificité et des talents uniques, qui participeraient à la richesse et la magnificence de l’univers ? Selon Andrew Cohen, la réponse est différente selon le niveau où l’on se situe. Au niveau absolu :
« L’ultime révélation spirituelle est qu’il n’y a pas d’autre. Il y a seulement Un…/… C’est la révélation qui éveille : la Conscience est l’Un sans second, et Je Suis Cela. »
C’est ce qu’on peut expérimenter quand on va suffisamment profondément dans la méditation. Maintenant qu’en est-il de la vie active, de la vie de tous les jours ?
voir ego 2
A propos d’ego 2
(suite de ego 1)
« Le fondement ou la base d’une perspective éveillée est l’expérience directe de la nature, absolue ou non relative, de la conscience elle-même. La matière, le mental et le temps sont tous relatifs. La conscience ne l’est pas. Et c’est cette interaction entre l’absolu et le relatif, entre la révélation de l’Un et l’apparence du multiple, qui génère l’intensité éveillée qui est la qualité de la conscience éveillée. Une vie humaine éveillée serait celle dans laquelle l’individu vit exactement à cette limite, au cœur même de ce paradoxe.
… il est possible d’expérimenter exactement la même révélation envahissante de la dimension absolue avec les yeux ouverts, non pas dans un contexte de retrait et d’immobilité mais plutôt de créativité et d’engagement. Nous découvrons un état de conscience dans lequel nous sommes individuellement conscient qu’il y a seulement Un, tout en étant simultanément engagés dans la multiplicité, un état dans lequel nous sommes capables d’expérimenter en même temps une totale communion et une puissante autonomie. C’est la non-dualité, la non-dualité incarnée. C’est vécu dans le corps, dans les relations avec les autres, et pas seulement dans l’immobilité de la révélation intérieure. »
Nous y voilà : autonomie et communion. Ces deux expériences qui s’excluent la plupart du temps, peuvent être vécues simultanément. Dans mon expérience, quand je suis autonome, cela se produit souvent au dépend de la communion : j’affirme ma différence, ma spécificité, même avec les meilleures intentions du monde, mais je perds le contact avec la conscience d’unité. Et réciproquement quand je suis en communion avec quelqu’un, ce n’est pas si facile d’être autonome, cela suppose avoir le courage d’affirmer sa différence et sa créativité sans briser l’unité et sans entrer dans une stratégie ( ce qui signifie qu’il y a deux). Dans les deux cas, cela demande selon la formule consacrée de renoncer à l’ego.
Je ne sais pas ce que vous en pensez, il me semble que ce n’est pas si simple à accomplir quotidiennement. Cependant j’y vois une direction claire vers une vie plus épanouie et plus satisfaisante. Et un moyen efficace d’y parvenir est de ne pas nous concentrer sur l’ego (sans toutefois l’ignorer), mais plutôt de voir les choses à partir de la perspective la plus large et la plus élevée possible. J’aime beaucoup la formule de Ken Wilber : « transcender et inclure ». Ne renonçons pas à nos particularités et nos dons individuels, mettons les au service de la Vie, de l’évolution, de la conscience, de la cause qui nous semble la plus grande, la plus belle et la meilleure et profitons du voyage.
J’aime bien regarder Andrew Cohen jouer de la musique, pourquoi ? parce qu’il s’éclate, c’est un passionné de batterie, quand il joue, il est totalement heureux et totalement investi dans ce qu’il fait.
Et voici encore une image qu’il nous a donné l’an dernier lors d’une retraite à Florence en Italie. Assis, face à nous, il tenait un verre d’eau dans sa main droite. Il a tourné ostensiblement la tête en direction du verre d’eau et il a dit à peu près ceci : « je vois le verre, je suis conscient du verre. Ce verre représente la Conscience ». Puis il a tourné le tête du coté opposé au verre d’eau et il a dit quelque chose du genre : « je ne vois pas le verre, mais je sais qu’il est là, une partie de moi ne l’oublie jamais. Les mères savent de quoi je parle. Une mère n’oublie jamais complètement son enfant quelle que soit son occupation du moment. »
Cette image m’est restée …
Jacqueline