D’abord, la spiritualité est liée à un « sens intérieur », une conscience de l’existence de quelque chose de plus grand que soi. La reconnaissance que notre existence est liée à quelque chose qui dépasse nos sens et notre quotidienneté.
Bon, si vous êtes totalement athée et matérialiste, cela ne va vous faire ni chaud ni froid. Mais plutôt que de le voir comme un vécu, on peut aussi le voir comme un processus de recherche.
La spiritualité est profondément liée à une quête de sens, de signification. Il commence avec le « pourquoi » de l’enfant auquel le parent ne plus donner de réponse et qui répond avec un « c’est parce que c’est comme ça ». La spiritualité, c’est d’abord l’espace où cette réponse, « parce que c’est comme ça » est mis en doute, est observée et contemplée. Il y a une sorte de prescience qu’il y a quelque chose derrière le « parce que c’est comme ça », et que l’on peut essayer d’appréhender et de toucher du doigt cette Réalité Ultime qui se cache derrière cette réponse toute faite. En même temps, commencer à s’interroger sur la nature de cette réalité, c’est entrer dans le domaine de la philosophie et plus particulièrement de la métaphysique. Bien que j’adore personnellement cette voie, ce n’est pas celle qu’emprunte la spiritualité. La démarche spirituelle en effet récuse cette approche, trop mentale à son goût. Pour la spiritualité, la réponse à cette question se situe au delà du mental, au delà des réponses logiques, au delà des mots et des discours.
La bonne nouvelle, c’est qu’il y a une réponse et que cette réponse est à la fois Lumière et Amour, Conscience et Compassion. Je mets volontairement des majuscules à la première lettre de ces mots, car cela signifie qu’ils doivent être pris dans un sens plus profond que celui que l’on utilise généralement. Cette bonne nouvelle a été annoncée par une quantité de mystiques, de Bouddha à Rumi, de Jésus à Padmasambhava, de Tilopa à Ste Thérèse, etc.. qui ont non seulement découvert la voie, mais aussi transmis cet enseignement à d’autres.
La mauvaise nouvelle, c’est que cette réponse est liée à une qualité de perception (une aperception devrait-on dire, mais bon on va garder le terme « perception intérieure » qui est plus parlant), et que nous n’avons pas dans notre état ordinaire ces qualités. Par des pratiques spirituelles (méditation, ascèses, prière, dévotions, rituels, etc..) il est possible d’avoir des prises de conscience de cette Réalité. Ces prises de consciences sont vécus comme des «états mystiques», des «expériences spirituelles». Au début, ces états sont éphémères, mais en continuant les pratiques, il est possible de vivre de plus en plus longtemps dans ces états «modifiés» de conscience et donc de percevoir avec une acuité nouvelle ce qui nous entoure. On a alors l’impression de s’éveiller, d’être conscience de choses qui n’étaient encore qu’inconscience et confusion peu de temps auparavant. L’activité scientifique et la connaissance rationnelle permet déjà d’avoir un aperçu de cette conscience, mais cette approche spirituelle, en se situant au delà de la rationalité, permet d’accéder à une conscience plus grande encore.
Globalement pratiquement toutes les expériences spirituelles rapportent que l’individu a l’impression de voir les choses comme elles sont, avec une plus grande acuité que d’habitude, mais aussi comme une union avec quelque chose qui nous dépasse : union avec la nature, union avec Dieu.. Enfin, pour certains elle peut être vécue comme un vide délicieux, comme un dépassement de la dualité sujet-objet. Dans tous les cas, ces états modifiés de conscience s’expriment comme un dépassement de l’individu dans une globalité plus vaste, dans un tout de plus en plus grand et comme une dissolution de cette individualité, caractérisée par l’ego.
Alors qu’est ce que c’est la spiritualité ? C’est tout à la fois la quête de cette Connaissance (qui est aussi Amour), l’ensemble des pratiques permettant d’atteindre ces états mystiques et les états obtenus généralement par des pratiques.
Une question que l’on me pose souvent, c’est “mais pourquoi vouloir aller chercher quelque chose”, pourquoi ne pas vivre sa vie simplement.. Tout simplement parce que celui qui a entrevu ce qu’il y avait derrière le voile de la quotidienneté, ne peut pas vivre en faisant semblant qu’il n’a rien vu. C’est pourquoi, nombre d’individus se sont mis en route à la suite d’une expérience spirituelle éphèmère qui les a transformé. Une fois qu’on a entrevu quelques bribes de la Réalité, une fois qu’on a entendu l’appel du divin, la vision standard que nous pouvons avec des choses et du monde est un peu fade..
Bon, je ne suis pas sûr que cette tentative de définition soit réellement éclairante pour Héloïse, et je pense que c’est encore un peu compliqué pour elle.. C’est normal, elle est encore en plein développement du moi et donc lui parler de ce qui se trouve “au-delà” du moi ne doit pas être très éclairant.. Bon, faudra que je trouve une autre solution.. J’aimerais tellement être capable d’écrire comme G. Bateson dans ses dialogues avec sa fille dans Vers une écologie de l’Esprit..
Donc, vous lui avez répondu quoi ?o)
La mienne n’a encore que 6 ans, mais je crois que ça vient vite ;o)
Eric de Rochefort
En fait, j’ai essayé de lui dire, plus simplement, ce que j’ai écris dans le blog. Elle m’a écouté un peu, puis rapidement, elle est passée à autre chose.. Je me demande si elle me reposera la question dans un avenir proche 🙂
Jacques Ferber
J’ai associé ma fille à ma quête spirituelle depuis qu’elle a 9 ans et mon expérience c’est que la seule chose qui compte c’est mon propre comportement.
La spiritualité, comme tu le sous-entend Jacques, ne se raconte pas mais se vit.
J’ai été surpris de voir que nos enfants sont, en conscience, une extension de nous-mêmes, de notre ego et de notre Soi Authentique (selon les termes d’Andrew Cohen).
Si je change, elle change. Si je deviens plus intègre, plus aligné avec le fondement de mon être, … bref plus sage ou plus éveillé alors il y a un effet immédiat, presque miraculeux, de compréhension, de respect et de transformation en elle. Elle a maintenant 17 ans et le passage par l’adolescence a été intéressant car la génération Y est tellement arrogante que ça a été un vrai challenge de rester immobile face à l’ampleur de son ego. J’ai découvert qu’en tant que père notre rôle d’éducateur ne finit jamais, au contraire, nous devons évoluer pour continuer à maintenir une hiérarchie naturelle avec nos enfants. Et le résultat est souvent émouvant et, parfois, miraculeux.
Eric Allodi